vendredi 1 août 2014

Dans la brume de mes pensées.

Dans la brume de mes pensées, pointillant un paysage boisé de fin d'été, faisant danser la lueur timide de la reine lune trônant fièrement par-delà la cime humide, s'offrit à mes yeux un tableau d'une splendeur exquise. Le trait brouillon, le contraste au flou le plus fou, l'émotion toute suggérée, non pas vulgairement dépeinte dans mes pupilles retroussées, aucun détail ne put me gâcher la vue.

A ce moment précis, un questionnement commença à tapisser mon esprit d'étoffes de doute et de vitraux d'incertitude. Que devais-je donc faire face à une telle scène? M'approcher à pas  prudents en vue de cerner le cœur de l'action, m’immiscer au sein de ce fantasme et frôler du bout de mes phalanges nerveuses la beauté de cette oeuvre? Ou bien contempler de loin mon rêve, conserver la splendeur de mes pensées et fermer les yeux afin de voir plus distinctement dans le noir? Combien de fantasmes ont été brisés après avoir été trop profondément étudiés, réfléchis ou expérimentés? Combien d'hommes splendides se sont-ils révélés être des miroirs aux alouettes une fois le mystère de leur beauté percé? Combien de vies ont-elles été gâchées par une soif de vivre trop insatiable?

Qu'ai-je donc aperçu entre deux troncs de chênes bicentenaires, sous une lune d'hélium, dans le coin de mon esprit, me demanderez-vous?
Votre question demeurera sans réponse pour la complexe et mauvaise raison de ma pudeur. Sachez cependant ceci: les yeux fermés, j'ai résisté et ai prudemment contemplé mon bonheur de loin sans m'en approcher. Figurez-vous que c'est le tableau qui est venu à moi. Les yeux ouverts, je n'imagine plus cette scène de beauté, j'en suis devenu l'acteur.

lundi 7 juillet 2014

Chronophage.

     
J’arrive. Le temps de passer chez moi me changer, nourrir les chats et le chien, et de me laver. Le temps de courir après mon train, longtemps en avance sur son retard. Le temps de moudre le café et de le passer dans le passé. Le temps de vivre vite-fait, et j’arrive.

     La vie semble être devenue une course de voitures. Nous sommes supposés nous frayer un chemin d’entrechats entre les contretemps, les temps morts et les temps d’antenne. Chronométrés depuis notre naissance, de jeunes parents s’inquiètent bien souvent que leur enfant ne parle pas dès sa quatrième semaine de vie. Ensuite vient l’étape de la marche, quel drame si le bout ’chou de la voisine esquisse ses premiers pas alors que votre bambin se tient toujours sur quatre points d’appui. Et bientôt démarre l’engrenage millimétré de l’éducation scolaire. Des programmes à suivre, une échelle à respecter, ne pas dépasser la norme, mais ne pas la louper. Et ce jusqu’à l’offre d’emploi, si la personne a respecté les codes imposés. Sinon, sa vie est un échec. Ensuite il s’agit de travailler plus qu’on ne s’amuse, se fixer des interdits durant son temps libre afin de ne pas perturber les jours de travail acharné et ainsi conserver son boulot précieux. Si bien que lorsqu’une personne est en congés, ses premiers jours sont souvent marqués par un réveil très matinal, tant son organisme est drillé par la cadence du travail. Enfin, une fois la pension atteinte, si aucun cancer ou accident n’a mis fin au temps imparti, nous avons tout le temps de nous amuser et d’accomplir nos rêves. Malheureusement, cette fois, c’est souvent l’énergie et les finances qui font défaut durant cette période de la vie. Le temps, c’est de l’argent.

     Notre société actuelle offre tout son temps à la chronophagie. Les grands de ce monde ne cessent de nous proposer de nouvelles petites merveilles technologiques, de grandes idées et de petits gadgets sensés nous faire gagner du temps. Il en va de même pour les réseaux sociaux nous promettant une connexion aux gens qui comptent sans limite, qui, au fond, ne font que nous hyperconnecter. Il y a peu, après avoir déploré auprès d’une amie résidant à quelques dizaines de kilomètres de chez moi le peu de temps que j’avais à lui consacrer pour une rencontre, j’ai réalisé que les minutes passées sur mon téléphone ou sur Facebook, si elles étaient mises côte à côte pouvaient très vite se transformer en heures que j’aurais pu passer à boire des verres en sa compagnie.

     C’est pourquoi j’ai envie de me déconnecter de ce temps passé face à l’écran, pour revenir au réel, aux vrais moments de beauté, de joie, de souvenirs. Pourquoi partager chaque moment de sa vie ? On ne vit alors notre vie qu’à moitié. Certains me taxeront d’hypocrisie, or, ce discours n’est pas une critique des autres. Je fais partie de cette génération, de cette masse d’hyperconnectés. Mais ce constat m’attriste : nous tendons sans cesse vers le chronophage.


     J’arrive, le temps d’éditer mon statut. Le temps de plier bagages, de fermer la porte et de courir à la gare. D'éviter les perles de pluie et de courir vers toi, et j’arrive. Le temps de vivre ma vie, d'attendre la mort, et de m'ennuyer vite, j'arrive. 

dimanche 29 juin 2014

Beauté fatale.

La mère t’a dit
T’es une jolie fille
Ce que t’as dans le crâne
Importe peu
Arrange les cheveux,
Va te faire refaire les dents
Ton attirail, 
C’est tout ce qui compte

On passe à l’étage supérieur
Remaquille ta douleur
Cette fois je décrocherai la médaille
Sans trébucher


Beauté fatale
Pleins feux sur le pire de tout
La perfection est l’épidémie de notre nation
Beauté fatale
Pleins feux sur le pire de tout
On tente de réparer quelque chose mais nul ne peut réparer ce qu’il ne peut guère voir,
C’est notre âme que l'on devrait soigner. 


Un peu plus blonde
Une poitrine plate
La télévision dit :
« Plus c’est gros mieux c’est »
Saint Barth, 
Sans sucres !
Vogue te dit :
« Plus t’es mince mieux c’est ! »

On monte encore un étage
Démaquille ta douleur
Cette fois, j'aurai la couronne 
Sans trébucher


Beauté fatale
Pleins feux sur le pire de tout
La perfection est l’épidémie de notre nation
Beauté fatale
Pleins feux sur le pire de tout
On tente de réparer quelque chose mais nul ne peut réparer ce qu’il ne peut guère voir,
C’est notre âme dont nous devrions nous occuper. 


Aucun médecin, aucun cachet ne peuvent combattre la douleur
Cette douleur au plus profond lorsque personne ne te libère de ton propre corps
C’est mon âme, mon âme dont tu dois te soucier

Les sourires de plastique et le déni ne te mèneront qu’à l’explosion, lorsque la façade rénovée te laissera dans le noir, à contempler dans un miroir brisé les restes d’un passé glorieux. 

Pluie d'été.

   
 Il pleut au crépuscule de mes pensées. L’air longtemps sec et aride qui s’est engouffré dans mes poumons durant des semaines caniculaires est teinté de larmes tombées du ciel. Hier encore, ce soleil impitoyable, cause de mon malheur me malmenait à bras le corps. Calfeutré dans mon antre à l’atmosphère de sécurité illusoire, j’attendais le retour de la pluie. Je payais cher chaque sortie de ma zone de confort. Je crachais du sang, de la sueur et les coups sur mon petit corps blême me rappelaient chaque jour le prix de mon amour. Averti, j’étais consentant, fasciné par ta lueur et ton aura. J’acceptais l’exposition au danger, en tenue originelle et prenais volontiers les rayons destructeurs sans chercher à les éviter, à m’abriter. Déshydraté, je ne tentais que de me vider davantage de mes ressources. Tu as brûlé à petit feu chaque centimètre de mon cœur disposé en offrande sur l’autel que j’avais dressé en ton honneur. J’aurais pu mourir tant le fanatisme s’était emparé de ma raison.


     Avec le temps, ma peau s’est endurcie, à coups de soleil, de mots et de maux. L’être blafard que j’étais lorsque j’ai connu ce bel astre, désastre, s’est transformé en animal des contrées ensoleillées. Je ne redoutais plus ta colère face à ma vie, que tu semblais prendre pour une provocation. Cependant, j’attendais ton départ pour sortir de ma grotte et rouvrir les yeux sur une contrée tellement plus nette dans la pénombre de la solitude. Aujourd’hui, les perles de pluie salvatrice frappent le sol en rythme, et je danse, heureux comme jamais dans cette poussière de boue. L’odeur de l’air m’est délicieuse, et j’ai sorti le télescope, à la recherche de galaxies encore inconnues. L’air rafraichi, chaleur de mon cœur me suffit amplement. Et tombe la pluie, et tombe ton aura sans cesse dégradée par l’ombre que tu as levée sur mon ignorance. 

jeudi 27 mars 2014

Les yeux clos.

Les yeux clos, la douleur, si aiguë et certes comparable à un bien lourd fardeau semblait lui être délestée. Voilà quelques livres de moins à soulever de ses mains gercées d'un effort surhumain.

Les yeux clos et libérée du carcan céleste, ses jambes soudainement animées d'une liberté perdue depuis des années étaient alors prêtes à l'emmener dans de quelconques directions.

Les yeux clos, le poids du passé semblait s'évaporer dans une gamme subtilement pianotée de ses mains doctes à l'harmonie vitale. Exempte de regrets, de déceptions et autres chimères des jours vécus, elle jouissait de cette légèreté enfin acquise.

Les yeux clos, les romances, nuits d'ivresse amoureuse, d'orages sensuels et les regards enivrés d'une passion légendaire lui réchauffaient le cœur. Le sourire paisible esquissé par ses lèvres bleutées témoignaient de la quiétude de ces soleils de minuit qui autrefois scintillaient sur son sommeil en de somptueux rayons de bonheur.

Les yeux clos, les doutes concernant le lendemain n'étaient guère plus que des poussières de broutilles se laissant choir sur le sol humide. Qu'importait l'avenir d'un monde hostile à une humanité se révélant incapable de briser les chaînes de la morosité morbide?

Les yeux clos, amis et famille de sang comme de cœur en pleurs autour de son petit corps inerte, microbe dans un univers d'une immensité incommensurable, la paix s'emparait de ses pensées si souvent embrumées.

Les yeux clos, elle contemplait plus que jamais son parcours. Ne rien regretter, ne rien saboter, voilà les clés d'un sommeil éclairé les yeux fermés.

dimanche 23 mars 2014

Va-t'en.

Va-t'en. Prends donc ton envol vers de nouveaux horizons.
Et dans ta trajectoire, réfléchis à ta gloire.
Et dans ta traversée, repense au verre brisé.

Va-t'en. Emporte tout ce pourquoi je t'ai aimé et ne reviens pas.
Et dans ton sillage, nos scènes de ménage.
Et dans ton remous, tous tes sales coups.

Va-t'en, je te dis. Disparais de ma vue, de ma vie.
Et dans ton ombre, ce que tu as de plus immonde.
Et dans tes pas, que résonne un fracas.

Va-t'en donc, je ne te retiens pas.
Et dans ses bras, oublie mon embarras.
Et dans votre demeure, combien je me meurs.

Va-t'en, je t'en somme. Ne te retourne pas.
D'un pas assuré, laisse-moi tout ranger.
Hors de ma vue, laisse-moi t'oublier.

Va-t'en, cours-t'en heureux.
Et dans mes sourires, je cesserai de te maudire.
Et quand ma vie sera saine, j'oublierai ma haine.
Et ma confiance réinstaurée, je ne songerai guère plus à ta vie dorée. 
Et ma vie remplie, je volerai loin de notre nid. 

Va-t'en. Oublie-moi.

Va-t'en.

mardi 4 mars 2014

Des héros.

     Ils sont des héros, ils l’ont dans la peau. C’est comme dans le sang, du cerveau aux os. De leurs ailes légères bien que de plomb, ils planent par-dessus la pitoyable plèbe qu’ils surplombent. Ou bien de leur zèle ? Leur or n’a ni carats ni diamants incrustés, mais n’est pas pour autant dénué de prix. Et quel prix ! Après avoir payé de sa dignité, son estime de soi et de sa réalité piquée à vif, que reste-t-il donc ? Des projets, des rêves ? À quoi bon s’il suffit de s’envoyer en l’air pour les frôler du bout des doigts dans un mouvement las et mal contrôlé ?

     Ils sont des héros, anciens prolos. Ils ont touché le gros lot. Se brossant des soucis, s’en shootant de la vie, ils sont libres, si libres. Et pourtant assujettis au semblant de désir pervers qu’il leur reste. Ils s’évertuent à revendiquer leur légèreté, mais même celle-ci pris du plomb dans l’aile. Les bras couverts de bleus, leur tête embrumée toute la journée, ils tentent de se réchauffer le cœur de petits réconforts chimiques, comme magiques, mais arrive un moment où, meurtrie, leur semblant de vie s’évapore, à l’image des substances qu’ils ingurgitent.

     Ils sont des héros, de Christiane à Amy, de Kurt à Philip, tous de beaux héros tombés à l’eau, trop faibles pour nager vers la rive droite. Les poussières de leurs ailes pitoyables se sont envolées, et la poudre dans les yeux ne fait plus. Certains reposent dans un semblant de paix, d’autres s’accrochent encore aujourd’hui davantage à leurs cachets qu’à la vie qui leur a été donnée de vivre.


     
Ils sont des héros mais se sont fait plumer.  N’est-il pas parfois plus opportun de rester au sol et d’attendre l’instant où plus aucun regret ne nous retiendra pour s’élancer vers le paradis?